LES ALGUES ONT ELLES UNE PLACE EN NUTRITION ?

Résumé:

La quantité de macro-algues transformées annuellement dans le monde est de plus de 9 millions de tonnes (poids frais). Premier débouché mondial en valeur et volume, les applications alimentaires directes (algue légume) concernent 75 % de cette production. L’algue est un aliment traditionnel qui présente un intérêt nutritionnel connu et exploitée depuis de nombreuses années par les populations du Sud-Est asiatique. La valeur nutritionnelle des algues peut s’expliquer en grande partie par la présence conjointe de trois grandes catégories de composants (fibres, minéraux et protéines), mais également par la présence de métabolites présentant des propriétés antioxydantes et antiradicalaires tels que caroténoïdes, polyphénols, vitamines ou acides gras polyinsaturés.

Introduction:

Les algues sont consomme´es en Asie depuis l’aube de l’humanité. En Occident, cette consommation directe d’algues est plus marginale et plus récente. L’algue en alimentation fait cependant partie de notre quotidien, mais de façon discrète, utilisée pour ses propriétés technologiques et cela depuis le début des années 1960. Avec le développement grandissant de l’alimentation santé, la nutrition est au cœur des préoccupations des consommateurs et des industriels qui redécouvrent les vertus des substances d’origine naturelle.

Utilisation des algues dans le monde:

La quantité d’algues produites annuellement par culture ou récoltées dans le monde est de l’ordre de 9 millions de tonnes d’algues fraîches. Les producteurs principaux sont la Chine, la Corée et le Japon qui, a` eux seuls, totalisent les quatre cinquièmes de la production, principalement par la culture (90 % de cette production). Cette production est majoritairement destinée a` l’alimentation humaine directe qui représente 75 % de la production mondiale. La deuxième utilisation est l’extraction des colloïdes, qui représente 12,5 %. Le restant est exploite´ dans les différents secteurs que sont l’agriculture, l’alimentation animale, la cosmétique .L’ampleur de la consommation directe est due aux pays du Sud-Est asiatique. L’algue y est présente depuis des millénaires et constitue même, sous certaines formes, un produit très prisé (feuilles de Nori) grâce à ses propriétés organoleptiques. En salade, en consomme´ ou sous forme de feuilles d’algues reconstitue´es, l’algue est très présente dans le bol du consommateur. Les Japonais consomment actuellement 1,4 kg d’algue (poids sec) par an et par habitant .

Réglementation française:

Dès les années 1980 se met en place une filière de production en France, assortie d’une réglementation. Aujourd’hui 16 macro-algues et micro-algues alimentaires sont autorisées à la vente sur le territoire français (Voir Tableau 1 ci-dessous).

Intérêt nutritionnel:

Les algues présentent un intérêt nutritionnel connu et exploité depuis de nombreuses années, notamment par les populations du Sud-Est asiatique. Ainsi des études épidémiologiques menées en Asie mettent en évidence une incidence plus faible des cancers du sein, du côlon et de la prostate liée à la consommation régulière d’algues. Ces résultats seraient en faveur du rôle possible de facteurs nutritionnels multiples, en particulier liés a` la présence simultanée dans les algues de différents nutriments comme les polysaccharides plus ou moins sulfate´s, minéraux et oligoéléments, et protéines mais également métabolites secondaires tels que les polyphénols, caroténoïdes, stérols, bétaïnes. Citons en exemple des thématiques nutritionnelles ou` les algues peuvent jouer un rôle important:

Transit:

Les algues constituent des sources importantes de fibres (de 33 a` 61 %) ayant des structures variées et originales,différentes des fibres des végétaux terrestres . La fraction de fibres solubles, constitue´e selon l’espèce d’agars, de carraghénanes, de xylanes, d’alginates, de fucanes, de laminaranes et d’ulvanes, offre un intérêt particulier lié à la nature chimique originale des monomères constitutifs. Trois catégories apparaissent en fonction de leur dégradabilité par les bactéries intestinales humaines. Si les agars, carraghénanes, ulvanes et fucanes sont très peu dégradés, les xylanes et laminaranes sont dégradés entièrement et rapidement, conduisant à la production importante d’acides gras a` courte chaîne. Les alginates, eux, sont partiellement dégradés, après une phase de latence. Les oligo-alginates et oligo-laminaranes ainsi produits ont démontré des effets bifidogènes in vitro, ce qui ouvre le champ à des applications de type prébiotique . Il faut noter également que les alginates, très visqueux, modifient l’absorption intestinale du glucose et  la réponse insulinique chez le porc en retardan tl’absorption du glucose .

Statut nutritionnel:

Les algues puisent dans la mer une richesse incomparable d’éléments minéraux. La fraction minérale peut représenter jusqu’a` 36 % de la masse sèche. La diversité des éléments représentés est énorme : calcium, sodium,magnésium, potassium, phosphore, iode, fer, zinc, magnésium, etc.

Calcium:

Les algues constituent une des sources végétales de calcium les plus importantes avec des teneurs pouvant atteindre 6 % de la masse sèche chez les macro-algues (Ulva sp.). Encore plus intéressant, l’algue calcaire lithothamne contient de 25 a` 34 % de calcium. Le calcium du maërl se solubilise très bien dans les conditions gastriques (pH = 1,5) et produit quantitativement du calcium ionise´ biodisponible .

Magnésium:

L’algue calcaire lithothamne est également une source très intéressante de magne´sium : de 1,7 a` 3,3 % de magnésium (par rapport au poids sec). Les différentes macro-algues sont également bien pourvues en magnésium, en particulier les algues vertes avec Ulva sp. (Teneur moyenne de 4,7 g/100 g MS) et  Enteromorpha sp. (Teneur moyenne de 3,7 g/100 g MS).

Vitamines:

La composition vitaminique des algues est intéressante, malgré de grandes variations saisonnières. L’ensemble des vitamines est bien représenté. L’intérêt principal réside dans la vitamine B12 dont les teneurs sont assez importantes dans les algues contrairement aux plantes terrestres qui en sont totalement dépourvues. Dans les algues ou` la forme active de la vitamine B12 est présente (et non l’analogue structural), cette vitamine B12 est bien assimilée (études in vivo chez le rat).

Protéines:

La teneur en protéines des algues marines est variable .Une micro-algue comme la spiruline en contient jusqu’a`70 % de la matière sèche. Chez les macro-algues, certaines espèces d’algues rouges possèdent une fraction protéique (30–40 % de la matière sèche) comparable, du point de vue quantitatif, à celle des légumineuses.

Tableau 1. Liste des macro-algues et micro-algues alimentaires autorisées a` la vente en France

Nom scientifique                                                                                       Nom commun

Algues brunes

– Ascophyllum nodosum (1990)

– Fucus vesiculosus (1990)

– Himanthalia elongata (1990)                          Spaghetti de mer, haricotde mer

– Undaria pinnatifida (1990)                                                    Wakamé

– Laminaria digitata (1997)                                                     Kombu

– Laminaria saccharina (1997)                                                Kombu royal

Algues rouges

– Palmaria palmata (1990)                                                     Dulse

– Porphyra umbilicalis (1990)                                                 Nori

– Chondrus crispus (1990)                                                      Pioca, lichen

– Gracilaria verrucosa (1990)                                                 Ogonori

– Lithothamnium calcareum (1996)                                         Maërl

Algues vertes

– Ulva sp. (1990)                                                                        Laitue de mer

– Enteromorpha sp. (1990)                                                       Aonori

Microalgues

– Spirulina sp. (1990)

– Ondontella aurita (2002)

– Chlorella

Minceur:

Parmi les compléments alimentaires aux algues, 50 %contiennent l’algue brune Fucus vesiculosus et sont formulés pour combattre la cellulite et l’excès de poids. Ces actions sont dues en partie a` la richesse en iode de l’algue mais également à la présence de polysaccharides, de polyphénols et d’oligo-éléments.

Iode:

L’effet de l’iode des algues brunes sur la thermogenèse et la lipogenèse est lie´ a` son incorporation dans la structuremoléculaire des deux hormones thyroîdiennes : la triiodothyronine (T3) et la tétra-iodothyronine (thyroxine ou T4). Cette sécrétion endocrine contrôle les grandes fonctions vitales dont la thermogenèse [8] et l’homéostasie glucidique et lipidique [24] qui sont étroitement liées à la prise de poids. Il a e´te´ montré notamment, sur des cellules humaines in vitro, que ces hormones thyroïdiennes ont une action sur la régulation des gènes de l’obésite´. La teneur en iode des algues est exceptionnelle. Les championnes toutes catégories sont les algues brunes avec les laminaires et les fucales qui peuvent accumuler de 1 500 a` 8 000mg/kg sec et de 500 à 1 000mg/kg sec respectivement. Sauf exception, les teneurs dans les algues rouges et vertes sont plus modestes (de 100 a` 300 mg/kg sec) mais restent importantes face aux sources « classiques ». Dans un pays comme la France ou` le pourcentage de sujets a` risque de déficience en iode est important, jusqu’a` 30 % des femmes et 22 %des hommes en région Auvergne-Limousin selon les résultats de l’étude Suvimax , les algues peuvent contribuer a` couvrir les apports nutritionnels conseillés.

Les Antioxydants:

Polyphénols

La plupart des algues marines contiennent des polyphénols algaux aussi appelés phlorotannins. Les phlorotannins constituent un groupe très hétérogène de molécules (structure et degré de polymérisation) fournissant ainsi une grande variété d’activités biologiques potentielles. Les teneurs les plus élevées sont retrouvées dans les algues brunes qui en contiennent entre 5 et 15 % du poids sec .L’activité antioxydante d’extraits de polyphénolsd’algues brunes et rouges a été mise évidence par des études in vitro.

Caroténîde

Les caroténoïdes sont de puissants antioxydants. Les algues brunes sont particulièrement riches en caroténoïdeset notamment en fucoxanthine, ß-carotène et violaxanthine. Les principaux caroténoïdes des algues rouges sont le ß-carote`ne, l’aca-rotène et leurs dérivés dihydroxylés :zeaxanthine et lutéine. La composition en caroténoïdes de salgues vertes reste voisine de celle des plantes supérieures.Un grand nombre d’études a démontré les propriétés antioxydantes des caroténoïdes algaux et le rôle qu’ils jouent dans la prévention de plusieurs pathologies liées austress oxydatif .

Protéines

Parmi les protéines algales, il faut citer la présence chez les algues rouges et bleues de molécules particulières : les phycobiliprotéines, qui sont les principaux pigments de ces algues et font partie du système de collecte de l’énergie lumineuse. Les phycobiliprotéines (phycocyanine de spiruline et phycoerythrine des algues rouges) possèdent par ailleurs des propriétés antioxydantes qui pourraient être mises à profit dans la prévention ou le traitement de maladies dégénératives : certaines formes de cancer, maladies cardiovasculaires ou ophtalmiques lie´es au stress oxydatif .

Protection cardiovasculaire:

Lipides

La teneur lipidique des algues est très faible : de 1 a` 5 % de la matière sèche. Cependant, du point de vue qualitatif, les lipides algaux présentent une proportion en acides gras essentiels importante : les algues rouges contiennent des taux élevés d’acides gras polyinsaturés à 20 carbones :l’acide gras oméga 3 EPA (o3 – C20 : 5) constitue 50 % des acides gras polyinsaturés chez Porphyra sp. et  Palmariapalmata.

Certaines microalgues se distinguent par une teneur en lipides plus importante. En particulier, la microalgue Odontella aurita, récemment habilitée, est une source importante d’acides gras insaturés à longue chaîne : de 1,6 à 3,4 % d’acide gras EPA sur le poids sec .Par ailleurs, l’huile extraite de la microalgue Schizochytrium autorisée en tant que nouvel ingrédient alimentaire contient au minimum 32 % de DHA (o3 – C22 : 6) .

Conclusion:

Ce bref tour d’horizon illustre la richesse des potentialités d’applications nutritionnelles des algues. Ces dernières peuvent trouver leur place autant dans une alimentation courante que dans des régimes particuliers comme source de complémentation ou d’apport spécifique.

Les algues ont donc une place en nutrition qui est unique par rapport aux autres ve´ge´taux et plus généralementaux autres sources de nutriments.

Source : H. Marfaing, Y. Lerat

Centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA)

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